À chacun son rythme : comment promouvoir des offres de slow tourisme ?
Publié le 29/11/2023
À chacun son rythme : comment promouvoir des offres de slow tourisme ?
Publié le 29/11/2023
Prendre le temps de vivre en vacances, c’est l’aspiration du slow tourisme. Depuis la pandémie, la demande pour ce mode de voyage au ralenti augmente. Comment promouvoir des offres adaptées ? Quels leviers emprunter pour attirer les touristes ? Aikaterini Manthiou et Volker Kuppelwieser, professeurs à NEOMA, ont enquêté sur le sujet. Ils proposent des recommandations pour des offres de marketing ciblées.
Plus durable, plus authentique. Les valeurs du slow tourisme lui ont valu une croissance éclaire au point de dépasser ses « cousins » : l’écotourisme et le tourisme responsable. Son succès a été soutenu par la pandémie de Covid-19, une quête de sens des voyageurs et le besoin de ralentir le rythme effréné du quotidien. Désormais, la principale question qui l’entoure est proche d’un oxymore : comment dynamiser ce tourisme lent au sein des territoires ?
Première destination mondiale, la France ne manque pas de se saisir du sujet, aussi bien pour les opportunités économiques dégagées que pour l’image écologique véhiculée. Le gouvernement français a ainsi financé 73 projets de « slow tourisme » dans le cadre du plan France Relance au début de l’année 2022. Mais c’est quoi au juste, le slow tourisme ? Souvent mis en opposition au tourisme de masse, il s’en distinguerait tant par son rythme de croisière et de consommation, que par ses impacts environnementaux et ses valeurs. Fini les modes de transport ultrarapides et polluants, les visites express et la surconsommation. L’heure est à la déconnexion, à la flexibilité et au consommer local. Le secteur doit donc renouveler ses offres afin de se démarquer de la concurrence. Pour cela, encore faut-il comprendre comment les adeptes du slow tourisme perçoivent leur façon de voyager. Et surtout, comment cela peut influencer les offres de marketing dédiées à ce nouveau mode de consommation.
Pour les fournisseurs de services touristiques, l’enjeu est de proposer des formules aspirant à répondre par la positive à la question : « Partirez-vous de nouveau en voyage avec nous ? ». L’étude réalisée par les chercheurs de NEOMA, tous deux spécialisés en marketing, s’est focalisée sur la façon dont le rythme des vacances et les émotions sont perçues par les voyageurs et permettent de prédire leur comportement de consommation futur. Différents panels de touristes américains ont été interrogés sur leurs précédentes expéditions. Les résultats montrent que si le rythme de consommation – lent ou rapide – est au centre de l’expérience du visiteur, les perceptions des touristes sur leur mode de consommation – durable ou non – sont relativement similaires. Dans les deux cas, ils s’attachent aux sentiments positifs procurés par leur voyage.
Les chercheurs recommandent ainsi aux responsables du marketing de valoriser la nature vertueuse des offres lentes. Autrement dit, de renforcer le sentiment que le consommateur va apprécier son voyage, mais aussi le sentiment que ce voyage sera bénéfique à la société, car moins polluant par exemple. Ces aspects vertueux augmentent la probabilité de revisiter une destination. Même constat sur la valeur de l’expérience, si le consommateur évalue a posteriori que l’expédition en valait la chandelle. Ce sentiment impacte les niveaux de satisfaction des consommateurs, leurs recommandations post-voyage et le potentiel de rachat d’une offre. Plus globalement, l’étude préconise donc de mettre en avant des sentiments positifs et de bien-être, en insistant sur la nature humble, honnête et pure des offres de tourisme lent.
Cette étude va à l’encontre de précédents travaux, selon lesquels les voyageurs considèrent les produits durables, dont le slow tourisme, comme plus vertueux que le tourisme de masse. Ici, les chercheurs montrent que l’expérience prime, indépendamment de la nature de l’offre. Mais le fait que le tourisme décéléré soit associé à une réduction de l’impact écologique de la filière influence-t-il la probabilité de rachat d’une offre de slow tourisme ? La réponse est oui. Et paradoxalement, les touristes les plus aptes à retenter l’expérience sont ceux ayant les préoccupations environnementales les plus faibles. Car l’impact sur l’environnement, même réduit, freine les voyageurs davantage engagés qui préfèrent limiter leurs expéditions. D’après l’étude, l’aspect écologique reste néanmoins un critère intéressant à exploiter, aussi afin de dissocier les offres lentes des autres.
Par ailleurs, le tourisme demeure une activité impactée par la culture. Ces travaux, menés sur des américains, devraient être étendus à d’autres populations. Enfin, il existe une grande diversité de modes de voyage, notamment une version plus modérée mêlant des valeurs associées au tourisme rapide et au tourisme lent. Comment cibler ces publics ? Quels contenus souligner dans la promotion des offres ? Autant de pistes qui restent à explorer.
A. Manthiou, V. Kuppelwieser. Consumer reaction to decelerated tourism: pace, inherent virtue, and environmental concern. Journal of Travel Research (2022), 1-20. https://doi.org/10.1177/00472875221130293.