Le bitcoin, une bouée de sauvetage dans les économies en crise
Publié le 24/06/2025
Le bitcoin, une bouée de sauvetage dans les économies en crise
Publié le 24/06/2025
Le bitcoin n’est pas qu’un investissement pouvant rapporter gros. Il constitue aussi un refuge monétaire dans les pays aux systèmes financiers répressifs. Une étude impliquant deux chercheurs de NEOMA, Gabriel A. Giménez Roche et Antoine Noël, explore comment les facteurs économiques et politiques influencent l’adoption du bitcoin et ses échanges sur des plateformes peu régulées.
Les cryptomonnaies telles que le bitcoin sont souvent perçues comme des actifs spéculatifs. Autrement dit, des investissements, ici numériques, dont la valeur fluctue de manière imprévisible, et achetés dans l’espoir de réaliser un profit rapide. Investir dans les « cryptos » est également synonyme de risque, car la valeur de ces actifs peut chuter tout aussi vite.
Cette vision du bitcoin est toutefois réductrice. Dans certaines régions du monde où les monnaies locales s’effondrent et où les gouvernements imposent de lourds contrôles sur les capitaux, le bitcoin est une alternative permettant d’échapper à ces restrictions. Pourquoi certains pays adoptent-ils le bitcoin plus largement que d’autres ? Quels sont les moteurs de cette adoption ? L’étude menée en association avec les chercheurs de NEOMA explore l’impact de facteurs comme la gouvernance, les contrôles de capitaux et la liberté économique sur les volumes d’échanges de cette cryptomonnaie.
Deux types de plateformes permettent de transférer des cryptomonnaies : les plateformes centralisées (CEX) et les plateformes décentralisées (DEX). Les CEX, comme Binance ou Coinbase, sont des bourses gérées par des entreprises. Elles permettent d’échanger des bitcoins contre des monnaies traditionnelles et sont soumises aux régulations gouvernementales.
Les DEX, comme LocalBitcoins et Paxful, fonctionnent quant à elles sans intermédiaire central. Elles permettent aux utilisateurs d’échanger des bitcoins directement entre eux, via des contrats intelligents fondés sur la blockchain. Moins régulées, elles offrent une plus grande liberté. C’est sur ce type de plateformes que se concentre l’étude des chercheurs.
La liberté monétaire désigne la possibilité pour les citoyens de dépenser, d’investir ou de transférer leur argent sans trop de restrictions gouvernementales. L’étude révèle que plus un pays dispose de liberté monétaire, moins ses habitants échangent de bitcoin sur les DEX. C’est le cas des États-Unis ou de l’Allemagne, où les monnaies locales sont stables et les systèmes financiers solides.
À l’inverse, là où la liberté monétaire est faible, où l’inflation explose, où la monnaie perd de sa valeur et où l’instabilité politique est forte, les volumes de transactions en bitcoin sur les DEX augmentent. C’est notamment le cas au Venezuela, en Turquie et en Ukraine. Dans ces contextes, le bitcoin devient un refuge monétaire. Il permet de préserver la richesse et le pouvoir d’achat, loin des fluctuations des monnaies locales.
Néanmoins, l’étude montre que les contrôles stricts sur l’achat d’actifs étrangers réduisent le volume des transactions en bitcoin. Pourquoi ? Parce que dans ces cas-là, les plateformes d’échanges peuvent devenir inaccessibles et les contrôles de change peuvent empêcher l’achat de bitcoin. Le gouvernement chinois limite par exemple ainsi l’achat de biens ou d’investissements dans d’autres pays. Son objectif est d’éviter une fuite des capitaux et de protéger l’économie nationale. En bref, il est plus difficile pour un citoyen de Chine d’acheter des propriétés ou d’investir à l’étranger.
La Russie, en revanche, impose des restrictions sur la vente d’actifs russes à des entités étrangères. Ces mesures sont souvent prises pour éviter que trop de richesse ne quitte le pays. Sauf que, cette fois-ci, ces restrictions augmentent les échanges en bitcoin sur les plateformes décentralisées. Les citoyens peuvent ainsi contourner les politiques économiques répressives de leur pays.
Pour contrôler le « far west » des échanges décentralisés de bitcoin, l’étude met en évidence un point crucial : les interdictions totales des cryptoactifs ne fonctionnent pas. Le cas du Nigeria en est la preuve. Malgré l’interdiction des cryptomonnaies par la Banque centrale en 2017, le pays est devenu l’un des plus grands marchés de bitcoin au monde, avec un fort volume d’échange sur les plateformes décentralisées. Ce cas démontre que les interdictions strictes peuvent être contre-productives et pousser les utilisateurs vers des alternatives moins contrôlées.
Les chercheurs recommandent donc d’adopter plutôt des cadres réglementaires équilibrés, soutenant l’innovation tout en préservant la stabilité financière. Une régulation adaptée aux spécificités socio-économiques de chaque pays est essentielle, notamment là où les institutions sont faibles. Cela favoriserait une utilisation responsable des cryptomonnaies et préserverait leurs opportunités économiques.
Gabriel A. Giménez Roche, Antoine Noël, Loïc Sauce, Bitcoin trade volume in decentralized markets: International evidence, Technological Forecasting and Social Change, Volume 214, 2025, 124054, ISSN 0040-1625, https://doi.org/10.1016/j.techfore.2025.124054