Transition numérique ou écologique, faut-il choisir ?
Publié le 11/05/2023
Transition numérique ou écologique, faut-il choisir ?
Publié le 11/05/2023
D’un côté, l’adoption de technologies numériques améliore les performances industrielles. De l’autre, l’économie circulaire contribue à la création d’emplois verts et à l’amélioration des performances écologiques des entreprises. Une étude expérimentale menée par des chercheurs, dont Charbel Jose Chiappetta Jabbour de NEOMA, démontre les bénéfices de l’adoption conjointe de ces deux transformations sur les performances à long terme, à la fois économiques, environnementales et sociales des industriels.
Selon le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies (GIEC), l’industrie mondiale est responsable de 24 % des émissions de gaz à effet de serre. Pour réduire cet impact, les experts recommandent d’adopter toutes les options d’atténuation possibles le long des chaînes de valeur dans ce secteur. Parmi elles, l’amélioration de l’efficacité énergétique des procédés, la mise en place de stratégies de circularité des ressources ou encore, l’adoption de changements transformationnels des processus de production.
Ces enjeux sont au cœur de deux transitions majeures : la numérisation et la décarbonation de l’industrie. Face à l’ampleur de ces transformations, les principaux intéressés s’interrogent sur la meilleure stratégie à mettre en place pour l’avenir de leur activité. Quelles actions prioriser en vue d’améliorer la compétitivité de leur entreprise ? Faut-il favoriser une transition plutôt qu’une autre ? Afin de répondre à ces questions, des chercheurs ont mené une enquête auprès de gestionnaires d’approvisionnement d’entreprises brésiliennes. Objectif : évaluer comment l’adoption, indépendante ou conjointe, de technologies d’industrie du futur et d’un modèle d’économie circulaire se répercute sur les performances durables des industriels.
D’un côté, la numérisation s’appuie sur le concept d’industrie du futur, ou industrie 4.0. Ses piliers sont l’Internet des objets, cloud computing, l’impression 3D ou encore, le développement de capteurs intelligents. L’adoption de ces technologies apporte de la flexibilité aux industries. Elle permet de planifier et de suivre en temps réel les procédés, tout en agissant de façon agile en cas de pépins. Pour l’ensemble de ces raisons, les chercheurs ont démontré que l’intégration de technologies numériques améliore les performances économiques, environnementales et opérationnelles des entreprises brésiliennes sur le long terme.
De l’autre côté, l’accélération de la transition énergétique et écologique impose aux entreprises d’accroître leurs efforts de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, l’économie circulaire – qui ne représente que 9 % de l’économie mondiale – a été identifiée comme une alternative de choix aux systèmes de production linéaires actuels. Son organisation en boucle fermée fait que les déchets des uns deviennent les ressources des autres. Elle soutient également de nouveaux modèles de production et de services basés sur l’allongement de la durée de vie des produits, le développement de services de maintenance et de réparation, et une meilleure utilisation des ressources. Par exemple en proposant la location de batteries pour des véhicules électriques ou des machines de production. À nouveau, l’étude démontre que ce type de modèle a un impact positif sur les performances économiques, environnementales, opérationnelles, mais aussi sociales des industriels brésiliens. Car l’économie circulaire génère des emplois verts et des activités entrepreneuriales. Mais qu’en est-il de l’adoption conjointe des deux pratiques ?
À la question, « quelle transformation choisir en priorité ? », l’enquête répond : « les deux ». Elle prouve en effet que l’adoption conjointe de technologies d’industrie 4.0 et d’un modèle d’économie circulaire est encore plus bénéfique aux entreprises. Celle-ci renforce les effets commerciaux et sociaux positifs observés dans un cas ou dans l’autre. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
Les chercheurs expliquent que modernisation et circularité sont les deux faces d’une même pièce. Dans leur quête de performance durable, les entreprises ont plus intérêt à considérer la valeur totale de cette pièce, plutôt que de décider leur stratégie à pile ou face. Les gains de performances étant plus forts, cela pourrait se traduire à terme par un avantage concurrentiel distinctif. Par exemple, l’ouverture à de nouvelles voies de compétitivité basées sur des chaînes d’approvisionnement circulaires et numériques.
En outre, les chercheurs précisent que le contexte brésilien s’apparente à celui de 60 % des pays évalués par le Forum économique mondial, pour lesquels la transformation numérique ne fait que commencer. Ces résultats encouragent donc les industriels à combiner les deux pratiques dans leurs développements. Au contraire, l’enquête suggère aux pays dont la démarche numérique est plus avancée, de compléter leur modèle par une stratégie d’économie circulaire. Leur activité s’en trouvera améliorée, répondant aux exigences écologiques et énergétiques accrues dans la perspective d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Better together’: Evidence on the joint adoption of circular economy and industry 4.0 technologies – Ana Beatriz Lopes de Sousa Jabbour, Charbel Jose Chiappetta Jabbour, Tsan-Ming Choi, Hengky Latan – International Journal of Production Economics, Volume 252, 2022 – https://doi.org/10.1016/j.ijpe.2022.108581