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Le Monde de NEOMA

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La dynamique de l’innovation a emporté la plupart des entreprises. Elles doivent maintenir un rythme soutenu sans quoi elles sont vite dépassées. Pour suivre cette cadence, elles ont mis en place de nouvelles méthodes de travail. De nouveaux métiers sont nés. François Floribert, professeur de Management de l’innovation à NEOMA, revient sur ces nouvelles compétences. 

Les grandes révolutions sont liées à des innovations majeures. Est-ce exact de penser que le rythme de ces innovations s’accélère ?

En effet, l’électricité a été une révolution, mais il a fallu attendre entre 60 ans et 80 ans pour qu’elle se diffuse et se généralise. Depuis l’arrivée de l’internet au début des années 1990, le monde est connecté, les appareils, que ce soit les systèmes industriels ou les objets grand public, sont connectés, c’est ce qu’on appelle l’internet des objets. Le rythme s’est accéléré. Les entreprises doivent aller de plus en plus vite. Aujourd’hui, une innovation est introduite sur le marché, utilisée et généralisée en l’espace de quelques semaines, ou de quelques mois. Les choses changent beaucoup plus vite. Et avec la révolution liée à l’intelligence artificielle générative, le rythme va encore s’accélérer.

L’organisation des entreprises a elle aussi dû s’adapter. Si l’on revient un peu en arrière, comment géraient-elles l’innovation dans la deuxième moitié du 20e siècle ?

Avant, les entreprises avaient en effet des méthodes de gestion de l’innovation qui étaient très maîtrisées, qui se voulaient prudentes, qui prenaient du temps. On voulait minimiser les risques. Et du coup, les entreprises travaillaient en prenant leur temps, souvent dans leur coin. Elles pouvaient mettre un an, deux ans, trois ans, quatre ans avant d’introduire une innovation sur le marché. C’était ce qu’on appelle des cycles en V ou des méthodes à porte et à étapes (Stage Gate Model). On procédait par étape, les unes après les autres, et avant de passer à la suivante on devait décider de continuer ou pas. La réflexion était menée en interne, sans interactions avec l’extérieur, ni avec les clients, ni avec les partenaires.

Puisque les entreprises doivent impérativement innover, et aller vite, comment se sont-elles organisées ?

En effet, cette pression concurrentielle a forcé les entreprises à mettre en place des systèmes de gestion de l’innovation beaucoup plus rapides. Aujourd’hui, il faut être beaucoup plus ouvert, tourné vers l’extérieur, y compris vers des partenaires d’innovation qui peuvent parfois être des concurrents d’ailleurs. Concrètement, ça veut dire travailler sur des cycles itératifs rapides :  on part d’une idée, on crée une première version un peu simplifiée qu’on va appeler le MVP, le fameux Minimum Viable Product. Elle est présentée rapidement à des utilisateurs potentiels qui donnent leur avis. Cela permet de ne pas gaspiller du temps, des ressources, de l’énergie, si on est parti dans une mauvaise direction. On teste, on mesure, on ajuste avant d’investir davantage. C’est la méthode agile du « Lean Startup Model », concept qui s’inspire du « Lean Manufacturing » introduit par les constructeurs d’automobiles japonais dans les années 50-60, et des méthodes agiles introduites dans le développement logiciel. Et c’est ce principe-là qu’on applique pour être beaucoup plus rapide et beaucoup plus en contact avec ses marchés.

Avant les entreprises innovaient à huis clos, aujourd’hui, elles sont plus tournées vers l’extérieur. Elles travaillent parfois avec des concurrents, vous l’avez dit. Concrètement comment ça se passe ?

Oui on est passé de l’innovation fermée (Closed Innovation) à une innovation ouverte (Open Innovation). Or les entreprises les plus à la pointe combinent les deux modèles : une partie en cercle fermé pour garder un peu le secret et puis des parties en mode ouvert où on va collaborer avec des partenaires, des clients ou des concurrents pour aller plus vite. L’exemple le plus probant, ce sont les sociétés Apple et Samsung qui sont des concurrents, c’est vrai, mais également des partenaires d’innovation. Sur le smartphone, ces deux compagnies collaborent sur les écrans tactiles, les batteries, des composants électroélectroniques, etc. Et il y a des sujets sur lesquels elles ne collaborent pas pour essayer de garder un avantage concurrentiel l’une sur l’autre.  

Est-ce que cette nouvelle gestion de l’innovation dans les entreprises a créé de nouveaux métiers ?

Ce qui est apparu, ce sont des métiers comme chef de projet innovation, dont le rôle est de mettre en place ces méthodes agiles itératives, collaboratives, et centrées sur les besoins utilisateurs. Son métier est de faire travailler ensemble la partie créative et design, les équipes fabrication, construction, , et  les équipes partie marketing , de cadencer sur un rythme assez rapides les projets. Le « project manager » c’est quelqu’un qui est vraiment sur la méthodologie du projet. A côté de cela, on a vu apparaître des métiers tel que le « product owner ». Lui est chargé de définir le périmètre fonctionnel du produit, le périmètre qui va correspondre à des besoins des utilisateurs ciblés. A NEOMA, nous formons les étudiants à ces nouveaux métiers.

 

BON A SAVOIR 

Invention versus innovation

« Un tour de force technologique n’est pas une innovation. Une innovation c’est un produit ou un service qui doit être déployé, utilisé, diffusé et apporter de la valeur à celles et ceux qui l’utilisent, qui la fabriquent, la distribuent, la commercialisent. L’innovation, c’est l’invention et la commercialisation. Certaines innovations ont un impact majeur, elles changent la façon dont on vit, dont on travaille. On parle alors d’innovation radicale. C’est le cas du smartphone qui a s’est généralisé sur les marchés avec le lancement de l’iPhone d’Apple en 2007. Depuis, il n’y a eu que des améliorations mineures, des batteries plus performantes, des appareils photo embarqués… On parle dans ce cas d’innovations incrémentales. » François Floribert, professeur de Management de l’innovation à NEOMA.