Transmettre une vision analytique de la Responsabilité Sociétale et Environnementale
Transmettre une vision analytique de la Responsabilité Sociétale et Environnementale
Publié le 21/04/2020
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La RSE ne constitue plus un enjeu mais une réalité de plus en plus prégnante pour les entreprises et plus globalement l’ensemble des organisations, qu’il s’agisse d’ONG ou de multinationales. Lorsque l’on participe à la formation de la prochaine génération de managers, transmettre aux étudiants les compétences nécessaires pour mener une action responsable est incontournable. Comment cela se passe-t-il au sein du cours RSE du CESEM ? Explication par Jean-Claude Lopez, enseignant-chercheur et chef d’entreprise.
Pourquoi un tel cours dans une grande école de commerce ?
C’est essentiel. Notre responsabilité a toujours été engagée mais aujourd’hui elle est stratégique. Lorsqu’on se destine à occuper les plus hautes fonctions de l’entreprise, la RSE est incontournable, tant sur le plan humain que dans les affaires, car c’est un facteur clef de succès. Il faut corréler entreprise et environnement en prenant en compte l’ensemble les parties prenantes tout en ayant une lecture la plus claire possible des impacts. Que l’on construise des voitures ou que l’on cultive des légumes…
Quelles sont les spécificités de ce cours ?
Une des caractéristiques majeures de ce cours réside dans le fait que nous traitons la question à 360 degrés : gouvernance, environnement, parties prenantes, impacts… Ce cours a pour mission d’aider les étudiants à se former une pensée RSE durable et responsable. Pour cela, nous leur transmettons des outils comme l’ISO 26000 ou la « Virtue matrix » (matrice de la vertu) et nous développons leurs capacités d’analyse notamment en ce qui concerne les transferts d’impacts.
Prenons un exemple : celui de la voiture électrique. Au premier abord, il s’agit d’une mobilité verte. Admettons que je sois un citoyen allemand. Ma voiture roule donc au charbon pendant sa phase d’usage. Lorsque la batterie se sera plus efficace, comment pourra-t-on la retraiter ? et qu’en était-il de sa phase de conception en terme d’économie ou de gestion des ressources ? l’analyse de son cycle de vie se révèle-t-il être véritablement meilleur qu’une petite voiture à essence dans ce cas précis ? Il est crucial que les étudiants disposent de cette lecture de la situation. Ce n’est pas parce qu’on pense faire quelque chose de bien pour l’environnement que ce que l’on met en œuvre est justifié. C’est extrêmement compliqué de mener une action cohérente sur le plan de la RSE.
En tant que professeurs, nous n’avons pas à prendre de posture écologiste, mais nous transférons à nos étudiants la capacité à conseiller les entreprises qu’ils intégreront, sur la base de critères et de réflexions non pas subjectifs mais objectifs. Nous enseignons une façon analytique de voir la RSE.
Comment réagissent les étudiants à cet enseignement ?
Les étudiants assistent à ce cours parce que ces questions sont centrales dans le débat actuel mais également parce qu’aujourd’hui, ils ont besoins de moyens conceptuels pour agir. Ils ont conscience que ce bagage leur sera utile tout au long de leur carrière. Lorsque l’on aborde le vif du sujet en cours, les choses se corsent un peu. En effet, les outils enseignés aux étudiants les forcent à contraindre leur bon sens. Nous avons tous un côté « colibri » qu’il faut dépasser.
Comment jugez-vous le niveau de sensibilisation et de prise de conscience des étudiants ?
Beaucoup disposent déjà de connaissances. C’est un plus, car le niveau du cours est relativement élevé. Au cours des 4 dernières années, un point d’inflexion s’est nettement dessiné. Avant, ils souhaitaient participer à ce cours pour pouvoir comprendre la RSE dans un cadre professionnel. Aujourd’hui, les étudiants assistent à ce cours plutôt avec la volonté de faire de la RSE leur métier. D’autres en sont à un point de leur parcours où il se questionnent sur la manière de continuer à être éthique dans leur vie parce que c’est important pour eux d’être fiers de ce qu’ils feront. Beaucoup sont plongés dans une vraie réflexion et cela ne se résume pas à une question d’argent.
Quel rôle doivent selon vous jouer les écoles de commerces dans le développement d’un nouvel équilibre économique durable ?
Le rôle des écoles de commerce est grand car il s’agit de repenser la durabilité : la plus grande durabilité des produits et des relations avec les employés. Ces deux aspects sont en réalité très imbriqués.
Aujourd’hui, les entreprises disposent d’armes éprouvées pour se connecter à leurs clients, comme le marketing par exemple. Mais la dimension du respect de l’environnement devient extrêmement stratégique. Quand on regarde à quel point les carrières sont nomades à l’heure actuelle, la question des valeurs devient centrale car la RSE va constituer un argument d’attractivité pour les entreprises. Pour les jeunes que nous formons, ce souci est vraiment au centre de leurs préoccupations. Avec des enseignements tel que ceux que nous dispensons, les étudiants auront la capacité d’analyser la véracité de l’engagement de leurs employeurs sur le terrain. Les entreprises qui ne se contentent pas d’une simple conformité règlementaire, mais qui passent une forme de frontière militante, prennent un avantage stratégique.
Le cours aborde d’ailleurs très largement la problématique du green washing. Nous évoquons également les questions de transparence, le danger qu’il peut y avoir à mentir ou à omettre certains aspects de votre activité économique ou comment l’action d’un seul peut conduire à la pénalisation de tous.