Le secret d’un audit interne de qualité ?
Publié le 27/11/2020
Le secret d’un audit interne de qualité ?
Publié le 27/11/2020
Une bonne gouvernance invite les entreprises à investir dans les compétences de ses auditeurs internes et à préserver leur indépendance. Connaître les leviers contribuant à améliorer la qualité de l’audit interne devrait être une priorité pour les entreprises désireuses d’accéder à une information fiable sur la maîtrise de ses opérations et sur leur efficacité. Peu de choses sont toutefois connues sur ces bonnes pratiques de management de la qualité de l’audit, notamment interne.
Notre étude cherche donc à identifier les pratiques mises en place par les départements d’audit interne pour améliorer la qualité de leurs travaux et déterminer les stratégies d’investissements des entreprises dans ces différentes pratiques.
En s’appuyant sur une enquête internationale auprès de 939 Directeurs de l’Audit Interne, nous identifions trois pratiques de management importantes pour la qualité de l’audit. Elles sont respectivement centrées sur :
Parmi les entreprises mettant en place de telles pratiques, seules celles qui le font de manière suffisante et efficace vont réussir à accroitre la qualité de leur audit et ainsi obtenir un certificat de conformité aux normes internationales de l’audit interne (normes de l’Institute of Internal Auditors). En reliant de manière économétrique les pratiques à l’obtention de ce label de qualité, nous pouvons identifier leurs contributions relatives à la qualité de l’audit interne au sein des entreprises.
Dans nos résultats, le développement du capital humain apparaît comme un prérequis afin que les auditeurs puissent être dotés d’une expertise leur permettant de mener à bien toutes les étapes d’une mission. Cela suppose que des efforts soient réalisés pour recruter des auditeurs ayant suffisamment de compétences techniques et investir dans leur formation professionnelle, notamment par le biais de certifications telles que le CIA (Certified Internal Auditor).
Pour les organisations n’optant pas pour le développement du capital humain, elles peuvent aussi renforcer la qualité de leur audit en misant sur la mise en œuvre de bonnes pratiques de gouvernance. En effet, celles-ci garantissent l’indépendance des auditeurs quant à l’accès aux informations nécessaires à leurs travaux et à la prise en compte de leurs conclusions. Les résultats montrent que ceci est d’autant plus important dans les entreprises de taille modeste, dans lesquelles l’audit interne est peu structuré.
Si les deux dimensions impactent positivement la qualité de l’audit interne, un arbitrage existe : nos résultats suggèrent que les investissements réalisés pour améliorer la gouvernance seront moins rentables que ceux visant le développement du capital humain au sein du département d’audit interne.
Malgré l’importance du capital humain et des pratiques de bonne gouvernance, nos résultats soulignent aussi que la qualité de la communication des auditeurs est un facteur favorable à la qualité de l’audit. L’auditeur interne doit posséder des capacités d’expression orale, pour créer un climat de confiance et collaborer avec les audités, ce qui lui permet d’obtenir une meilleure compréhension des processus et d’identifier de potentiels écarts. De même, une communication écrite pertinente et objective facilite la prise en compte, via le rapport d’audit, de la qualité des travaux effectués tout au long de la mission.
Toutefois, si les pratiques de communication des auditeurs s’avèrent essentielles pour la reconnaissance de la qualité de leur audit, elles ne semblent pas être utilisées par les auditeurs lors de leurs missions. Nos résultats suggèrent enfin que des précisions pourraient être apportées dans les normes de l’IIA afin de guider l’amélioration de la capacité de communication des auditeurs et, in fine, améliorer la qualité de l’audit interne.
Si l’on s’interroge sur les stratégies déployées dans la mise en place de ces pratiques de manière simultanée, les firmes peuvent espérer obtenir des synergies afin d’assoir la qualité de leur audit interne. Nos résultats montrent cependant que ces synergies entre bonnes pratiques n’existent pas. Les entreprises améliorent la qualité de leur audit interne en investissant dans la gouvernance, le capital humain et la communication et en arbitrant entre les efforts dédiés au développement de chaque pratique, en jugeant plus bénéfique d’investir dans l’une ou l’autre de celles-ci. Des efforts conjoints menés dans le développement du capital humain, des pratiques de gouvernance et de la communication des auditeurs n’apportent pas de gain supplémentaire de qualité aux entreprises qui font cet effort. Plus particulièrement, les compétences en communication n’ont pas d’effet de levier sur les autres compétences : les bonnes pratiques de gouvernance ne vont pas avoir d’impact plus grand sur la qualité de l’audit si elles sont accompagnées d’une meilleure pratique de communication. De même, l’accroissement des compétences des auditeurs ne va pas impacter plus la qualité de l’audit si on leur adjoint une meilleure capacité de communication.
Cette absence de synergie peut s’expliquer de deux façons : on peut penser que les Directeurs de l’Audit Interne ne pensent pas à gérer les synergies potentielles car ils sont orientés par la vision des comités d’audit qui acte le budget du département et tendent à favoriser indépendamment l’une ou l’autre des bonnes pratiques selon leur rendement et compte-tenu des pratiques d’autres entreprises. On peut aussi considérer que des firmes recherchent les synergies entre ces bonnes pratiques d’audit, mais que leur réalisation n’est pas satisfaisante, ou tout du moins que les standards internationaux de la qualité d’audit ne prennent pas encore en compte la complétude des efforts de qualité menés par certaines entreprises. Notre étude ne permet pas de trancher entre ces interprétations. La recherche de ces synergies au sein des entreprises reste donc une stratégie légitime.
Par Stéphane Lhuillery, département Finance, NEOMA Business School , Stéphanie Thiéry, département FACC, ICN Business School, et Marion Tellechea, ICN Business School.
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