« Pas besoin d’avoir une crédibilité de 20 ans pour proposer des conseils »
Publié le 13/02/2019
« Pas besoin d’avoir une crédibilité de 20 ans pour proposer des conseils »
Publié le 13/02/2019
Contrairement à de nombreuses idées reçues sur la question, lancer sa propre entreprise ne nécessite pas plusieurs années d’expérience. Cependant, lorsqu’on se lance dans une activité de mentoring, l’expérience se révèle être un atout indispensable pour accompagner les entrepreneurs. Explications et témoignages de Denis Gallot, Directeur du StartUp Lab de NEOMA Business School ainsi que de Philippe Blanchot et Guillaume Souloumiac, anciens incubés NEOMA BS qui ont lancé leur propre incubateur.
Aujourd’hui, de nombreux porteurs de projets hésitent avant de se lancer sur le marché de la création d’entreprise car c’est un monde risqué qui demande un certain savoir-faire, des qualités naturelles et un esprit d’innovation. Ces aptitudes ne s’acquièrent pas nécessairement par plusieurs années d’expérience : un peu d’audace, un esprit d’aventure et une grande motivation suffisent pour lancer son activité. Mais y-a-t-il un âge idéal pour créer sa propre entreprise ?
Denis Gallot : L’âge et les années d’expérience sont souvent utilisés comme facteurs déterminants pour prétendre à une certaine légitimité. Or c’est un facteur de risque qui reste plutôt mal évalué. Il vaut mieux créer son entreprise le plus tôt possible. Beaucoup pensent que pour lancer sa propre activité, il faut avoir expérimenté le marché, acquérir le maximum d’expérience en entreprise alors qu’en réalité, il n’y a pas d’âge ou d’expérience propice. De plus, il vaut mieux s’atteler à la création de son entreprise lorsque les enjeux sociaux et financiers sont moins importants. En effet, un entrepreneur plus âgé se heurtera plus souvent à des freins (habitudes familiales, crédits, hypothèques…) tandis qu’un jeune entrepreneur lui aura très peu de contraintes fortes (financières, familiales etc…), il aura eu l’habitude de se contenter de peu et acceptera donc plus facilement les sacrifices à faire au début de son parcours. Le risque en cas d’échec sera aussi moins conséquent.
A contrario faut-il atteindre une certaine expérience pour lancer son propre incubateur ?
DG : Dans ce cas précis, lorsqu’un entrepreneur lance son propre incubateur, l’expérience est une aptitude à prendre en compte. L’activité consistant à créer une relation d’entraide entre un jeune entrepreneur et un entrepreneur aguerri d’une entreprise, il est préférable d’avoir un minimum de connaissances sur le domaine pour prodiguer des conseils sur la stratégie à adopter et les prises de décision. Il n’est pas non plus essentiel d’avoir créé une entreprise qui a eu un succès florissant, ou qui a existé pendant plusieurs années, deux ou trois années suffisent à acquérir l’expérience nécessaire selon les secteurs. Ainsi, l’expérience dans la création d’entreprise se révèle être indispensable pour contribuer au succès d’un jeune entrepreneur et lui apporter une aide bénéfique. Logiquement, il est plus simple d’aider quelqu’un lorsqu’on connaît soi-même les étapes de la création d’entreprise.
Cette idée, très développée aux Etats-Unis, est encore peu répandue en France. Philippe Blanchot et Guillaume Souloumiac, diplômés PGE 2017 et anciens incubés NEOMA BS se sont lancés dans cette aventure en créant leur propre incubateur à Lille. Inspirée du concept « food court », La Friche Gourmande également appelée halle à manger est un espace de 1200 m² qui permet à de jeunes entrepreneurs de pitcher leur projet avant de lancer leur propre restaurant. Pourquoi avez-vous lancé votre propre incubateur, comment avez-vous eu l’idée ?
Philippe Blanchot et Guillaume Souloumiac : L’idée s’est construite autour de notre propre expérience, surtout celle que l’on a vécue à l’étranger. C’était important pour nous de développer le volet incubation par rapport aux difficultés que nous avons nous-mêmes vécu en tant qu’incubés, notamment sur les levées de fonds, les contacts avec la banque etc. Nous pensons que s’appuyer sur quelqu’un qui a déjà vécu les choix qu’on a eu à faire est une réelle valeur ajoutée dans une entreprise. De plus, cet échange nous permet de dynamiser notre concept en proposant des nouveautés gastronomiques à travers ces stands éphémères.
Comment est gérée l’incubation au sein de votre espace ?
PB et GS : Nous avons d’abord positionné 4 premiers e-shops avec des restaurateurs déjà existants pour s’assurer d’une certaine stabilité. Puis, petit à petit, 5 projets incubés ont rejoint l’espace. L’incubation se fait principalement par l’action. L’objectif est de les conseiller en nous basant sur notre propre expérience et en leur laissant carte blanche sur le fonctionnement de leur stand. Le but n’est pas de les manager, l’idée est qu’ils apprennent à découvrir les nouvelles tendances du secteur, qu’ils puissent analyser le marché et appréhender les techniques de management spécifiques aux métiers de la restauration. Nous, nous sommes là pour les aider à communiquer sur leurs concepts. Grâce à ce type de mentoring, les incubés profitent du lieu pour tester leur concept et de la base de clientèle pour se créer une identité visuelle. Lorsqu’ils parviennent à acquérir leur propre local, ils ont tous les outils pour affiner leur trajectoire.
A partir de quel moment avez-vous estimé que vous aviez suffisamment de légitimité pour créer votre propre incubateur ?
PB et GS : Nous avons d’abord travaillé dans le secteur de la restauration, notamment à l’étranger avant de lancer notre propre activité. Selon nous, il n’est pas essentiel d’avoir une crédibilité de 20 ans pour proposer des conseils. De plus la restauration est un secteur où l’opérationnel est accessible, ce qui justifie une expérience assez courte pour apporter quelque chose à de nouveaux créateurs et donc de monter un espace incubateur avec de nouveaux concepts.