Les Cuistots Migrateurs : une success story entrepreneuriale et sociale
Les Cuistots Migrateurs : une success story entrepreneuriale et sociale
Publié le 11/06/2020
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Louis Jacquot et Sébastien Prunier sont deux Néomiens (PGE 2011) qui se sont lancés dans l’entrepreneuriat social en 2015. La crise migratoire fait pour eux office de déclic : ils transformeront cette situation en une formidable opportunité et une action de solidarité. C’est depuis la petite cuisine de l’appartement de Louis Jacquot que les Cuistots Migrateurs voient le jour.
Interrogé dans les lieux de leur tout nouveau restaurant-café, le Pop Up qui a ouvert à Paris au pied du métro St Ambroise dans le 11e, Louis Jacquot revient sur cette aventure incroyable. Rencontre avec un entrepreneur au grand cœur.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Après une classe préparatoire à Lyon, j’ai intégré le Programme Grande École de NEOMA en spécialité entrepreneuriat dès la 1ere année. Je me voyais bien lancer ma start-up ou travailler dans le web. Sébastien (Prunier NDLR), l’autre Co-fondateur des Cuistots, a un parcours similaire. Nous avons fait nos stages en Asie et en Angleterre et je l’ai rencontré via un ami commun en Chine. Suite à nos études, nous sommes entrés dans la vie professionnelle. Sébastien travaillait dans la finance et moi j’avais un poste en marketing. On s’est retrouvés un beau jour avec l’envie de monter un projet commun sur une thématique qui nous passionne : la cuisine du monde. Nous avons cherché ce qu’il serait possible de créer, en faisant mieux que ce qui existait déjà. Et condition indispensable : nous voulions que notre projet ait une dimension sociale.
Lorsque la question migratoire est apparue sur le devant de scène en 2015, nous avons été frappés de la vision négative que portait la société sur les réfugiés. Ces gens n’étaient pas vus comme une richesse mais comme un problème... L’idée des Cuistots Migrateurs a germé comme cela et nous sommes devenu le premier restaurant au monde qui emploie des réfugiés.
En quoi votre scolarité chez NEOMA vous a-t-elle aidé à construire votre projet d’entrepreneuriat social ?
NEOMA m’a permis de faire un échange dans une Université partenaire canadienne. Je me suis inscrit un peu par hasard dans un cours de non-profit marketing qui a été un révélateur pour moi. Les enseignements dispensés dans ce cours ont changé ma vision du monde.
Qu’est ce qui a vous a motivé à vous lancer dans une aventure entrepreneuriale ?
Avec Sébastien nous avions deux envies. La première était d’apporter un souffle nouveau à l’offre de restauration "cuisine du monde”. Il y en a beaucoup à Paris mais c’est principalement une forme de fastfood qui est offerte aux consommateurs. Et c’est aussi toujours un peu le même type de gastronomie qui est proposée. Qui pourrait citer un plat éthiopien ou iranien par exemple ? Autre point, dans cette offre de cuisine du monde déjà existante, les personnes qui sont aux fourneaux ne connaissent pas nécessairement ce qu’ils cuisinent.... Notre seconde motivation était de mettre en valeur la diversité que représentent les migrants et casser cette idée reçue qu’ils sont une menace et un problème. Pour nous, ils représentent une richesse que l'on veut valoriser.
Parlez-nous des Cuistots Migrateurs, comment fonctionnez-vous et qui sont vos cuisiniers ?
Les Cuistots Migrateurs c’est à la fois un service de traiteur de cuisine du monde qui emploie des cuisiniers réfugiés et un restaurant dans le 11ème à Paris. Nous employons des réfugiés statutaires qui ont le droit de travailler. Ils sont employés en CDI et nous sommes souvent leur premier emploi déclaré et stable.
Nous rencontrons nos cuisiniers via des associations humanitaires. Nos cuistots migrateurs nous rejoignent parce qu'ils sont motivés pour s’intégrer et adorent la cuisine, bien que certains ne soient pas du métier.
Les Cuistots Migrateurs se sont lancés dans la cuisine de mon petit appart parisien, depuis, ils ont bien grandi et nous sommes actuellement une trentaine de collaborateurs à temps plein. La moitié en cuisine et le reste au sein des fonctions supports. Nous proposons des buffets à nos clients allant de 20 à 1600 personnes ! C‘est un record qui ne demande qu‘à être battu ! Depuis le début de l’aventure, nous avons régalé à peu près 400 000 personnes.
Quels sont vos prochains projets ?
L’année dernière a été une année bien remplie avec l’ouverture d’un restaurant (Le Pop Up NDLR) et la publication d’un livre. En 2020, comme tout le secteur de la restauration, nous avons été lourdement impactés par la crise du Covid-19. Pour nous adapter, nous avons mis en œuvre un service de livraison de lunchboxes destiné aux entreprises. Pour toutes les sociétés dont les cantines n’ont pas encore réouvert, nos plateaux-repas rencontrent un certain succès. Avec le déconfinement, le Pop Up a également réouvert sous forme de boutique-traiteur en vente à emporter et en livraison. Nous proposons aussi un point de restauration sur place grâce à notre terrasse. Les équipes ne sont pas encore au grand complet dans les cuisines mais nous espérons redresser la barre très vite !
Auriez-vous un message ou des conseils à adresser aux étudiants actuels ?
Je les invite dans le cadre de leur scolarité à essayer d'expérimenter le plus d’environnements possibles, avec des stages très différents. Allez dans des grands groupes et dans des startups, confrontez-vous à tous les modèles d’organisations !
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Pour aller plus loin, découvrez le témoignage de Faeeq El-Mhana, Chef de partie au sein des cuistots Migrateurs.
Faeeq est arrivé comme simple commis de cuisine chez les Cuistots Migrateurs. Il a depuis gravi tous les échelons, jusqu’à devenir Chef de partie. Il encadre aujourd'hui, en Français, une équipe de plusieurs personnes. Sans cesser de cuisiner, il répond à nos questions. Portrait.
D’où venez-vous et que faisiez-vous avant de venir en France ?
Je suis originaire de Syrie. De Bassir, plus précisément. Un village de 3 000 habitants situé dans le Hauran à 20 kilomètres de Al-Mismiya. Je suis titulaire d’un DUT en électronique. J’aurais rêvé de devenir concessionnaire automobile, mais les choses se sont passées autrement. Avant de fuir la Syrie pour la France, j’étais artisan-boucher. Je m’occupais de la viande, de la découpe, du matériel et des clients.
Comment avez-vous rencontré les cuistots ?
Je fais partie de l’équipe des Cuistots Migrateurs depuis presque 3 ans. Je suis l’un des tout premiers à avoir rejoint l’aventure. Quand j’ai reçu une autorisation administrative de travail, j'ai fait la rencontre de Sébastien (Prunier, un des Co-fondateurs) via un ami commun. Il lui fallait du renfort en cuisine et je suis devenus commis.
Qu’est-ce qui vous plait chez les Cuistots Migrateurs ?
J’aime beaucoup mon travail. J’ai trouvé chez les Cuistots Migrateurs une forme de fraternité. Il règne une bonne ambiance parmi toutes les personnes qui travaillent ensemble ici. J’aime mon métier, j’aime apprendre des autres chefs et préparer de bons petits plats.
Quel est votre plat préféré ?
J’ai vraiment beaucoup de mal à n’en retenir qu’un ! [Il réfléchit intensément-NDLR.] je dirais le “Ruz bi shakriyeh” un mijoté d’agneau au yaourt que préparais ma grand-mère pour les grandes occasions... Ou non, plutôt le Freekeh, un plat à base de blé vert fumé aux amandes et pignons de pain. On ne le prépare pas encore aux cuistots migrateurs, mais j’en raffole !