La thématique du cours avait été soufflée par une étudiante l’an dernier... “Et si on réfléchissait sur l’argent ?” Une problématique suffisamment complexe pour faire phosphorer tous les étudiants de première année du Programme Grande École au long du module “Humanités et Management”, un cours au format original, dispensé en pédagogie inversée.
Par tranches de 3 heures et en petits groupes, les premières années du Programme Grande École ont expérimenté la pédagogie inversée. “Une organisation qui a été plébiscitée par les étudiants” indique Hadrien Simon, Docteur en Philosophie et coordinateur du cours.
La pédagogie inversée, plébiscitée par les étudiants
Le but du module Humanités et Management est de défendre une position contradictoire lors d’une joute orale. La confrontation d’arguments a lieu en classe. Au préalable, les étudiants préparent leur intervention sur la base d’un dossier contenant un ensemble de ressources : textes classiques ou contemporains (philosophie, sociologie, histoire, littérature…), mais également articles de presse ou vidéos introductives plus récentes.
“Ce travail est à réaliser en autonomie en amont du cours. Cela permet aux étudiants de disposer des connaissances nécessaires à la mise en place de leur argumentation. Ensuite lors des débats, nous nous chargeons de reformuler les prises de position en vue d’une synthèse de la question” précise encore Hadrien Simon.
“Les étudiants apprécient beaucoup la pédagogie inversée mise en place lors du cours, loin d’être cantonnés à l’écrit, cela les oblige à défendre des positions à l’oral” ajoute Marc Lenglet, Professeur Associé à NEOMA et coordinateur du cours. “Cet exercice les amène à travailler des compétences argumentatives nécessaires à leur vie professionnelle qu’ils n’ont généralement pas eu l’occasion d'approfondir plus tôt dans leur cursus. Ce travail est également l’occasion pour eux de mobiliser leur esprit critique tout au long du cours, ce qui dans un monde d’abondance informationnelle va de plus en plus devenir une nécessité” complète Marc Lenglet. “Les étudiants valident largement ce principe qui leur permet d’être acteurs de leur apprentissage plutôt que récipiendaires d’un savoir”.
Cryptomonnaies, inégalités, endettement et pouvoir : 4 thématiques pour disserter sur l’argent
Le thème de l’argent a été abordé sous 4 aspects lors du cours. Tout d’abord par le biais des cryptomonnaies et l’exemple du Bitcoin. Créée en 2009 juste après la crise financière, cette monnaie a connu une volatilité sans précédent depuis. La question posée lors du cours était la suivante : Les cryptomonnaies valent-t-elles vraiment quelque chose ? Une remontée à Aristote et aux 3 fonctions de la monnaie a été mobilisée pour tenter d’éclaircir ces enjeux.
Le second volet du module Humanités et Management s’est concentré sur les inégalités de richesses. Partant du constat que des inégalités ont toujours existé dans les sociétés, il semblerait que la révolution numérique en cours ne cesse de les creuser. “Il était donc intéressant de se demander si ces inégalités économiques sont justes ou pas, et selon quel critère moral il était possible de les juger” indique Marc Lenglet. “Le cours a mis en avant l’opposition fondamentale entre liberté et justice, s’agissant de cette question”.
“C’est cette séance sur les inégalités et les richesses qui a été la plus vive en terme de débat” souligne Hadrien Simon. “ La récente crise des gilets jaunes, ou la réforme de l’ISF ont fait écho aux questions qui traversent actuellement la société, et c’était précisément tout l’enjeu du cours”.
Les étudiants ont également exploré la question de l’endettement sous le prisme de la liberté ou de l’aliénation. D’un côté l’endettement libère l’individu qui peut grâce à lui réaliser ses projets (acheter une voiture, une maison, ...) de l’autre, l’endettement oblige envers un créancier qui ne manquera pas de réclamer son dû. “Ainsi de Shylock dans le marchand de Venise dans Shakespeare...” glisse Hadrien Simon.
Le dernier thème posait la question suivante : La finalité de l’argent est-ce l’augmentation de mon pouvoir ? “Il est convenu aujourd’hui d’associer l’argent au pouvoir : mais dans quel sens la relation joue-t-elle ? Recherche-t-on l’argent pour augmenter notre pouvoir dans la société ou à l’inverse, est-ce lorsque l’on a du pouvoir que l’on peut s’enrichir ?” questionne Marc Lenglet. Ce thème offrait notamment la possibilité d’opposer l’approche sociologique (inspirée de Pierre Bourdieu) à une approche philosophie de type phénoménologique (en suivant Michel Henry par exemple).