Elections américaines 2024 : l’aube d’un nouvel ordre mondial ?
Publié le 30/10/2024
Elections américaines 2024 : l’aube d’un nouvel ordre mondial ?
Publié le 30/10/2024
Les élections présidentielles américaines sont imminentes et elles représentent bien plus qu’un simple changement de leadership national : leurs enjeux dépassent les frontières des États-Unis. Ce scrutin, au-delà des enjeux domestiques, aura des répercussions profondes pour la stabilité mondiale, et pourrait marquer le point de bascule vers un nouvel ordre international. Eclairage d’Edgar Bellow, Ph.D., Professeur de Géopolitique et de Management International à NEOMA Business School.
Aujourd’hui, deux visions du monde s’affrontent. D’un côté, celle de l’Occident dit global, mené par les États-Unis, de l’autre celle des puissances émergentes du bloc BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui aspirent à redéfinir cet ordre international.
Les élections américaines vont-elles provoquer un chaos à l’intérieur du pays, ce qui fragiliserait la position des États-Unis dans le monde ? Ou au contraire vont-elles renforcer l’Occident global, et marquer le début d’une confrontation dans laquelle chaque bloc lutte pour imposer sa vision de l’avenir du monde ?
Les États-Unis sont marqués par une polarisation politique intense, exacerbée par les luttes internes entre démocrates et républicains. Chaque camp représente désormais des visions opposées sur la politique intérieure comme sur les affaires étrangères.
Ces conflits internes au pays menacent la stabilité même de la démocratie américaine et alimentent le scepticisme des citoyens envers ceux qui les dirigent.
Un pays divisé affaiblit son autorité sur la scène internationale. Il offre une opportunité pour les puissances du BRICS d’attaquer l’ordre établi. D’autant que les Etats-Unis semblent plus préoccupés par leurs luttes économiques et leurs débats sociaux que par leur position de leader mondial.
Si les élections se déroulent dans le chaos ou la controverse, les États-Unis risquent de perdre leur crédibilité et leur capacité de rassembler leurs alliés occidentaux. Ce désordre interne pourrait renforcer la posture de la Chine, de la Russie et des autres membres du BRICS. Ils verraient dans cette fragilité l’occasion de s’affirmer en tant qu’alternative à un modèle occidental en crise.
Le BRICS, initialement formé comme une coalition économique, a évolué vers un bloc cherchant à établir un contrepoids politique et stratégique à l’influence américaine et européenne.
Ces pays, chacun à leur manière, ont des ambitions claires de revalorisation géopolitique, notamment en intégrant de nouvelles nations dans leur alliance, comme récemment l’Argentine et l’Égypte.
Leur objectif est clair : rompre la domination occidentale sur les structures économiques et politiques mondiales, en proposant un modèle multipolaire qui défie l’unipolarité américaine.
Le BRICS cherche également à se libérer de la dépendance au dollar américain, ce qui menace directement la domination économique des États-Unis. La Russie et la Chine, en particulier, se montrent décidées à utiliser leur influence pour créer des réseaux financiers et commerciaux indépendants du dollar. Un tel scénario affaiblirait encore davantage la position des États-Unis.
Ce projet s’inscrit dans une volonté plus large de revanche historique contre ce qu’ils considèrent comme une domination de l’Occident, qui, pendant des décennies, a exploité les ressources et les marchés des nations en développement au profit de ses propres intérêts.
Pour les alliés des États-Unis, ces élections américaines sont tout aussi cruciales. La montée des courants isolationnistes et anti-interventionnistes au sein de l’électorat américain menace l’engagement des États-Unis envers leurs alliances traditionnelles, telles que l’OTAN et d’autres partenariats stratégiques en Asie-Pacifique.
Une victoire des républicains, et particulièrement avec un candidat isolationniste, pourrait précipiter un retrait des États-Unis de plusieurs engagements internationaux.
Une telle réorientation serait perçue par le BRICS comme un affaiblissement de l’Occident et renforcerait sa position dans les régions en quête de nouveaux partenariats, notamment en Afrique et en Amérique latine.
Les alliés européens, en particulier, redoutent un retrait américain qui laisserait l’OTAN et l’Union européenne en position de vulnérabilité face à la Russie et à la Chine. Cette perspective pourrait encourager l’Europe à adopter une posture plus autonome, voire à trouver des compromis avec le BRICS pour garantir sa propre stabilité.
Les élections américaines de 2024 pourraient bien déclencher une fragmentation profonde de l’ordre mondial, provoquée par des crises internes et des divisions idéologiques. En effet, une démocratie affaiblie et divisée pourrait ouvrir la voie à un monde multipolaire plus fragmenté, où aucune puissance ne détiendrait un contrôle absolu, où les alliances seraient révisées en fonction des intérêts stratégiques de chacun.
Pour le BRICS, ce scénario représenterait une victoire indirecte, car un Occident divisé et désorganisé affaiblirait la suprématie américaine, ouvrant la voie à un rééquilibrage des forces.
Si, au contraire, les élections américaines aboutissent à une stabilisation interne et à une réaffirmation de l’engagement international des États-Unis, cela pourrait marquer le début d’une confrontation encore plus directe entre l’Occident global et le BRICS. Les États-Unis et leurs alliés pourraient alors renforcer leurs alliances pour contenir l’influence du BRICS, avec une intensification des tensions et des sanctions, et même des confrontations indirectes sur des terrains économiques et technologiques.
Ainsi, à la question de savoir si ces élections marqueront la victoire du chaos, et l‘affaiblissement des Etats-Unis ou le début d’une confrontation finale entre deux visions opposées du monde, il est possible que la réponse réside quelque part entre les deux.